De la gêne à Noël
Dimanche, c'était Noël pour nous, mais simplement dimanche pour les Géorgiens qui le fêtent le 7 janvier et de toute façon ne s'occupent vraiment que du Nouvel An.
Eh bien dimanche, il a neigé, rien que pour moi. La première neige de l'hiver, pour que moi seul puisse glisser et m'étaler joyeusement par terre sur les pentes de la colline où j'habite. La neige de Noël, rien que pour bibi. Du moins c'est que je me suis plu à croire, parce que d'autres l'ont apprécié, chez les Occidentaux de tout poil.
J'ai d'ailleurs eu un bel échantillon de la communauté française lors du réveillon. Car pas démonté par l'indifférence ostensible des locaux face à Noël, je me suis laissé tenter par l'invitation de la Première conseillère de l'ambassade de France, avec un dîner somptueux préparé par le cuisinier de l'ambassadeur.
Et moi qui cherche, peut-être un peu prétentieusement, à m'écarter des milieux d'expatriés qu'une trop longue coexistence dans des terres sans camembert tend à rendre quelque peu consanguins, je dois dire que j'ai passé une soirée très agréable et très drôle. Rythmée notamment par une Française ayant vécu quinze ans en Afrique pour travailler à la conservation des grands primates, et qui visiblement ne s'était pas occupée de la sienne. Pas vraiment mal embouchée, mais plutôt du genre à coller plein d'étiquettes... de la conservation à la conversation, ça donnait à peu près : "Vous comprenez, nous on prenait jamais de gens du Sud dans nos équipes, parce que les collègues les trouvaient faux et hypocrites...", le tout dit sans trembler en face d'une mafia de Montpelliérains. Y aurait-il de la gêne à Noël ? Je crois que la table se souvient encore de leurs ongles plantés dans la nappe, la mâchoire raide et le regard légèrement désaxé.
Le tout couronné par une controverse sur les vertus comparées de l'eggnog et de la marmite anglaise, puis un dernier pot dans un bar vide, vodka à 18 laris servie par une serveuse peroxydée et patron ronflant sur le comptoir. Jésus serait fier de nous.