J'eus taulier au Nouvel an : la magie
La période du Nouvel an en Géorgie, c'est ce moment magique où l'on peut sortir dans la rue, passé minuit, les cheveux fripés et les yeux en bataille avec la ligne d'horizon, et se voir souhaiter la bonne année alors qu'on sifflote tranquillement, crime ordinairement passible de la peine de mort. C'est ce réveillon sans fin, ces joyeux bambins de dix-sept ans qui lancent des pétards dans les cheveux des filles et tentent difficilement de frauder en rampant sous le portillon du métro, après avoir ingurgité quelques verres de trop.
Ces quelques jours où tout est possible, même voir trois fois dans la journée l'équivalent géorgien de L'Aile ou la cuisse.
Mais c'est aussi cet instant hors du temps où mon proprio, batono Guivi, honorable professeur d'architecture à l'Université de Tbilissi, éminent représentant de l'ex-intelligentsia soviétique et radin complet, débarque complètement bourré chez moi une clope à la main, alors qu'il ne fume jamais. Et le jour de la victoire immobilière, lorsque tel Mars chassant les mouches des fesses de Zeus, j'arrive à le renvoyer dans ses pénates en même pas une minute, sans qu'il ne parvienne à rentrer dans mon appartement.
Oui, j'aime cette décade magique entre toutes, où tauliers s'encanaillent et canailles sentent au lit et, même si mon jugement est peut-être hatif - c'est mon premier réveillon géorgien après tout - je sais quelque part que j'ai raison.